L’avancée du désert va à grand pas et frappe déjà à la porte du Cameroun par le département du Logone et Chari. Malgré cette certitude, source réelle d’inquiétude en raison des conséquences bien connues du changement climatique, les transhumants et les bûcherons détruisent systématiquement tout le couvert végétal sur leur passage au vu et au su de tout le monde sans que personne ne les inquiète ; ni les populations riveraines encore moins autorités compétentes. Les populations du Logone et Chari touchées par ce phénomène pointent un doigt accusateur sur les responsables des Forêts et de la Faune.

Les éleveurs constituent un frein réel à l’exercice de leur fonction dans le cadre de la préservation de la faune sauvage. En effet, les éleveurs (transhumants et sédentaires) en quête de pâturage pour leur bétail et du bois de chauffe dégradent considérablement les aires protégées et contribuent par leur présence à éloigner la faune sauvage lorsqu’elle n’est pas abattue. Bien plus d’après les conservateurs des aires protégées, les transhumants en provenance du Nigéria ou du Niger se munissent des laissez-passer qui leur donnent le droit de couper du bois et d’effectuer leur transhumance au moment voulu.

 

Quant aux bûcherons, ils ont pris goût à cette activité et ne cessent de faire preuve d’ingéniosité pour fructifier leurs affaires. Alors qu’ils se contentaient jusqu’à un passé récent de détruire les arbres morts qui servent de bois de chauffe, ils s’attaquent désormais aux arbres vivants. Leur espèce de prédilection est l’acacia utilisé pour la fabrication du charbon dont la commercialisation génère d’énormes bénéfices.

Les chiffres recueillis à la Délégation Départementale des Forêts et de la Faune du Logone et Chari, témoignent à suffisance de l’ampleur des dégâts. Plus de 400 sacs de charbon ont été saisis par les agents forestiers en quelques semaines seulement. Les contrevenants sont soumis, après procès–verbaux, à un payement d’une amande. Mais la faiblesse des amendes infligées aux contrevenants ne semble pas les inquiéter outre mesure puisque l’activité continue de plus belle.

A la première place de la destruction massive des forêts, l’arrondissement de Logone Birni qui abrite la plus grande partie du Parc National de Waza, détient la palme d’or. Les foyers de cette destruction des forêts se trouvent entre autres à Elbirke, Madaf, Bourgouma et Kouliya. Des dizaines d’arbres vivants sont ainsi abattus à blanc au quotidien dans ces localités par des jeunes qui ont tourné le dos aux petits métiers, car l’activité nourrit bien son homme bien que ce soit au détriment de l’environnement.

L’industrie du charbon brasse ainsi d’énorme chiffres. Sur le site de production, le sac de charbon coûte 2500 Fcfa. Lorsque ce même sac parvient à Kousseri, son tarif double : entre 5 000 F CFA et 8000 FCFA.

Des véhicules et des motos assurent le transport de ces marchandises entre l’arrondissement de Logone Birni et le centre de Kousseri, au nez et à la barbe des agents des forêts et de la faune, pourtant en faction dans tous les points stratégiques par lesquels passent les trafiquants de charbon. D’aucun diront que c’est une complicité car, ces agents arrivent à tirer leur épingle du jeu.

L’interdiction de la coupe de bois au Tchad voisin, dont les autorités sont plus strictes sur l’application des mesures prisent par leur hiérarchie, a également donné un coup d’accélérateur à cette activité dans le Logone et Chari. Ainsi, des centaines de sacs de charbon entrent dans ce pays où ils sont vendus à prix d’or.

Les populations de Logone et Chari touchées par ce trafic qui met à mal le couvert végétal de leur département pointent un doigt accusateur sur les responsables des Forêts et de la Faune.

Cependant, les pouvoirs publics ne cessent de mettre en place des outils pour lutter contre l’avancée du désert, par exemple, l’Etat continue d’implémenter le Projet « Sahel vert », qui a permis de planter 1 210 000 arbres entre 2011 et 2015, pour une superficie totale reboisée de 11 750 hectares sur la même période dans la région de l’Extrême-Nord. Ce projet est soutenu par la distribution de 13 000 foyers améliorés en alternative au bois de chauffe aux ménages du Nord et de l’Extrême Nord

Entre autres solutions, le développement des forêts communautaires à l’instar de celle située dans la zone de Houlouf qui, d’après son chef de canton a permis aux éleveurs de la zone de nourrir leur bétail à condition d’obtenir une permission auprès du chef sont autant de solutions envisageables.

Les éleveurs posent leur problème en termes d’absence ou rareté du pâturage pour le bétail, les mouvements des transhumants en quête de pâturage participent à la réduire ces espaces. Il est aussi à noter l’absence d’une organisation locale pour la défense des intérêts des éleveurs, le manque de délimitation des pistes à bétail et l’absence de conservation de foin en prévision aux périodes de soudure. Les inondations qui dévastent tout sur leurs passages suivis de la baisse des eaux qui constituent le moment propice tant pour les éleveurs, pécheurs que pour les agriculteurs sont récurrentes. 

Comme essai de solution de l’avancée du désert, nous avons sollicité l’avis d’un expert :

 « Pour la nutrition des bêtes par les bergers une solution simple est l’amélioration de la paille de riz et autres pailles par l’urée. Ce processus est simple à réaliser et économique et abordable. Avant le traitement de la paille, apprêter une surface d’environ 20m² et la recouvrir par une bâche. Chaque couche de 100kg de paille de riz doit être aspergée par 50L de solution d’urée à concentration 5kg d’urée pour 95L d’eau, puis tasser soigneusement par piétinement. Après le tassement recouvrir par une deuxième bâche. Laisser incuber 10jrs à l’abri des intempéries. Laisser sécher la paille au soleil 3 jours, et l’aliment est prêt à la consommation » a en effet déclaré Abakar Alifa, Veterinaire.

 

Curieusement, un sac de charbon couterait 2000 F CFA à l’Est du pays et dont la production est bien encadrée, il suffirait de l’acheminer vers ces zones qui n’ont visiblement plus de ressources forestières à offrir. Même si le coût du transport serait onéreux, le prix de revient sera beaucoup moindre que
celui produit localement. Encore que, au vu des enjeux environnementaux énormes, les pouvoirs publics pourraient subventionner le transport afin de préserver la nature.
Nous avons également présenté les images prisent sur le terrain et recueilli quelques avis, notamment :

« A première vue il ne s’agit pas d’un élagage qui participe au développement des arbres. Et ce que vous voyez sur ces images constitue un premier passage. Il s’en suivra un deuxième passage qui va achever ces arbres. Compte tenu de la rareté des ressources pastorales, le fourrage aérien reste la seule alternative des bergers contraints à une situation de survie.  Par conséquent les méthodes de prélèvement utilisées ne sont pas écologiquement durables. Quant au charbon, la situation est d’autant plus grave qu’il faut 7 à 12 kg de bois pour produire un kilogramme de charbon. Cet exemple illustre à suffisance l’impact de la fabrication du charbon sur nos écosystèmes forestiers qui, déjà subissent de plein fouet les effets néfastes de la péjoration climatique » a en effet déclare l’ingénieur Alhadji Hala, Délégué Départementale des Forêts et de la Faune du Mayo Danay.

Monsieur Limangana Abicho, acteur de la société civile  à quant à lui réagi en disant : « Plusieurs fois les citoyens ont dénoncé ces actes criminels mais les pouvoirs publics ne font rien. Le couvert végétal qui semble si maigre est systématiquement détruit en nous laissant dans la désolation. Moi aussi je trouve que cette façon de faire est trop exagérée car l’arbre ne peut plus survivre. Dans l’arrondissement de Logone Birni, c’est plus accentué. Les arbres qui sont encore verts sont coupés au ras du sol afin d’en faire du charbon. La solution est qu’il faut installer une unité du BIR comme dans le Parc de Bouba Ndjidda car ces charbonniers sont des tchadiens et viennent armés ; ou bien doter les services de protection des forêts de matériels roulants et des drones pour la surveillance de la zone. Comme ça s’ils observent des mouvements ils pourront alerter la cavalerie »