C’est quoi la jacinthe d’eau ?

Pour notre bonne gouverne, nous devons savoir que : originaire du bassin de l’Amazone, la jacinthe d’eau a été introduite dans de nombreuses régions du monde comme plante ornementale dans les étangs en raison de sa beauté. De son nom scientifique, Eichhornia crassipes, La plante est une herbe vivace aquatique (Eichhornia crassipes) qui appartient à la famille Pontedericeae, étroitement liée à la liliacées (lis famille). A maturité, la plante se compose de longues racines pendantes, rhizomes, des feuilles, des inflorescences et grappes de fruits. C’est une plante aquatique qui peut vivre et se reproduire soit flottant librement à la surface des eaux douces ou peut être ancrée dans la boue.

 

Clauses de la réunion de crise tenue

L’arrivée de la jacinthe d’eau sous forme d’une marée voire une dense colonie d’innombrables herbes vivaces a été constatée par les riverains et les pêcheurs le samedi 5 novembre 2022 dans le lac de Lagdo. Cette situation inédite cristallise toutes les attentions de part et d’autre et au-delà dudit Arrondissement. Suite à cet odieux événement et sous haute instruction diligentée par Mr Le Préfet du Département de la Bénoué, s’est tenue le jeudi 10 novembre 2022 et aux environs de 10 heures, et dans les locaux de la sous-préfecture de Lagdo, une réunion de crise. Ont pris part à cette importante assise: le Sous-préfet en sa qualité de Président de la commission, le 1er Adjoint au Maire, le Délégué départemental de l’Environnement (MINEPDEN) comme secrétaire des séances, son homologue de l’Eau et Energie (MINEE), cadres techniques de la Mission d’Etudes (MEADEN) et de COOP-CA REDD , le Régional Enéo, le Directeur du Barrage hydraulique, le Chef de la marine (MINDEF), le Représentant du Lamido de Garoua, les Représentants des pêcheurs et autres autorités de la ville de Lagdo.

Au terme de ces échanges fructueux en salle d’une durée d’environ deux heures et dans le sillage de faire face à ce phénomène inquiétant, les résolutions urgentes suivantes consignées par un procès-verbal ont été prises. Il en ressort que : le MINEPDED a déjà transféré à la Commune de Lagdo les ressources afin de lutter contre les plantes envahissantes autour du lac, y compris les jacinthes d’eau sur la retenue d’eau dans le cadre d’un projet éponyme. La MEADEN a assuré qu’elle pourrait mettre à contribution des engins (tractopelle et 03 tracteurs) pour les actions immédiates. Et le Sous-préfet de mobiliser les riverains autour du lac et les pêcheurs pour la collecte de ces plantes aquatiques afin de les valoriser et de détruire certaines dans des sites identifiés.

Le DDEE exaltant la plante
Ici, la centrale hydro-électrique de Lagdo bien envahie par cette herbe.

Afin de faire un diagnostic réel de ces désastres et de peser l’ampleur des dégâts, nous avons effectué une descente sur le terrain, notamment sur le barrage hydro-électrique, au débarcadère et précisément au lieudit « monument » dans le but d’apprécier de proximité l’ampleur des dégâts du phénomène. A notre arrivée à l’entrée du lac et, dans le versant Nord situé à l’entrée gauche, nous constatons la présence d’une pelouse verdoyante de « jacinthe d’eau » qui a complètement envahie la surface de l’eau. À droite, sur le lit du fleuve, un tapis vert s’étend jusqu’à environ 300 à 500 mètres de là. « Depuis que le barrage existe, on n’a jamais vu une chose pareille. Heureusement pour nous, cet événement inédit n’a pas encore eu d’impact sur la production de l’énergie électrique », s’exclame le responsable de la centrale hydraulique. Et dans une interview accordée par le Hardo de Riao, village riverain du lac, déclare-t-il : « ces plantes aquatiques qui se développent très vite sur l’eau et le sol ont été observées pour la première fois le 5 novembre 2022. Comme un mystère, on les a vues venir et envahir notre lac. Jamais pareille catastrophe constatée chez nous, est-ce un signe de la fin des temps ? ». Des cris de détresse par ci et là, certains affirment que ces herbes boivent énormément d’eau ; par conséquent, le lac risque de tarir, s’inquiète une autorité municipale de la ville.

 

A l’issu de cette descente, nous avons constaté une forte colonie de ces plantes aquatiques au niveau de la retenue d’eau. « C’est une catastrophe environnementale », retorque un membre de la commission de crise et « l’éradication de cette espèce végétale est au-delà des solutions locales », poursuivit-il. Au su de ces observations, il est urgent qu’une action urgente conjointe soit menée par les administrations ci-après : MINAT, MEADEN, MINEE, MINEPDED, MINDEF, MINEPIA, la Centrale hydraulique et la Commune de Lagdo. Et les embarcations manuelles s’avèrent nulles et sans effet en cette circonstance.

Photos : les membres de la commission de crise sur le terrain découvrent les dégâts causés par ces plantes aquatiques.
Photos : les membres de la commission de crise sur le terrain découvrent les dégâts causés par ces plantes aquatiques.

Inquiétudes et menaces

La présence de la jacinthe d’eau est considérée comme une menace sur plusieurs plans et les inquiétudes foisonnent. « Notre inquiétude, c’est que
l’accumulation des plantes derrière les ouvrages du barrage peut causer des dégâts qu’on ignore. Cette plante absorbe beaucoup d’eau et peut atteindre jusqu’à 6m de hauteur, ce qui peut diminuer la quantité d’eau dans le barrage
», a souligné Abakachi Abicho, PCA de COOP-CA REDD arborant en cette circonstance son mentor de Délégué départemental de l’Eau et de l’Energie de la Bénoué. Pour son homologue en charge de l’environnement, c’est une situation de catastrophe environnementale du moment où la jacinthe, ajoute-t-il, est une plante envahissante ayant une évolution de 5 à 6 jours et qui est venue brusquement avec une grande ampleur. « Elle a cette caractéristique de se reproduire rapidement. Elle asphyxie l’eau et peut perturber les installations du barrage et la reproduction du poisson. C’est un obstacle au niveau du barrage. Elle peut influencer la mobilité/déplacement des pêcheurs et des piroguiers. Il faut donc agir rapidement en les dégageant », a indiqué Manou Godje, délégué départemental de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable de la Bénoué. Ainsi, elles constituent de graves obstacles à la navigation fluviale car elles peuvent causer d’énormes perturbations des pêcheurs et communautés riveraines, à l’instar de celles du village nommé madagascar vers le marché de poissons de Djipmordé et la ville de Lagdo.

Mesures urgentes à prendre : Revalorisation de ces herbes vivaces et Plaidoyer

Au moment où la jacinthe d’eau est considérée comme une menace pour l’environnement, la production de l’énergie électrique et la reproduction du poisson, elle est en même temps courtisée pour ses vertus dans d’autres domaines de la vie de l’homme. « Ces plantes peuvent être utiles ailleurs. On peut transformer en objet d’art, fabriquer des papiers, des fourrages pour le bétail », a confié Manou Godjé. Dans les différents laquets situés de part et d’autre dans la ville de Lagdo, la présence de la jacinthe sur les abords n’est pas nouvelle. C’est ainsi que la Coopérative d’action au reboisement et développement durable (COOP-CA REDD) a été sélectionnée par la commune dans le but de transformer ces plantes en compost. « Il y a eu un Appel d’offres qui a été lancée par la commune pour la fabrication du compost à base des jacinthes d’eau. Nous avons été retenus comme prestataire dans les villages de Ouro Kessoum, Madagascar, etc. Nous nous préparons à planifier nos activités pour la mise en œuvre de ce projet. C’est ainsi que nous avons été invités à prendre part à cette réunion de crise dans le but de présenter nos expertises sur la valorisation des jacinthes d’eau », explique Dominique Joseph MONGLO, cadre d’appui technique de la coopérative. Sur ce, à l’instar de la

collaboration entre le MINEPDED et la Commune de Lagdo, d’autres acteurs de développement locaux, nationaux et internationaux sont vivement sollicités afin de sauver la vie aquatique et socio-économique autour de la retenue d’eau de Lagdo qui est à l’agonie. L’exemple de cette collaboration est à suivre du moment où le budget mis en place pour l’exécution du projet « fabrication du compost » est comme une goutte d’eau jeter dans la mer. Au vu de cette colonisation des jacinthes d’eau dans le lac, la contribution de tous et de chacun est très attendue pour que vive à jamais notre retenue d’eau de Lagdo.

 

Pour la rédaction, MONGLO Dominique Joseph (cadre à COOP-CA REDD) assisté de MAIDAWE Nadège (Stagiaire).